L’hypnose dans les situations d’urgence. Dr Jacques Wrobel



Revue Hypnose & Thérapies brèves n°47


Les techniques hypnotiques peuvent apporter une aide précieuse en situation d’urgence, que ce soit lors d’une immobilisation, à l’occasion d’une désincarcération ou d’une mise en condition, mais aussi dans certaines situations obstétricales ou lors de soins dentaires. L’induction furtive de l’hypnose peut s’avérer d’une grande utilité chez ces patients douloureux aigus, dont l’anxiété légitime peut intensifier notablement les souffrances *.
 
* Dans cet article, nous ne traiterons pas volontairement des situations propres à l’enfant ou l’adolescent, pas plus que des situations de guerre.
 
Le terrain, le traumatisme, le contexte
Pour évoquer le terrain on peut considérer le patient lui-même, qui peut être sensibilisé à l’hypnose ou vierge de toute expérience hypnotique. On peut aussi considérer le terrain en tant que lieu d’intervention, qui peut être médicalisé, sur la voie publique, en milieu urbain ou éloigné en montagne voire dans un milieu confiné et isolé (avion, bateau). Enfin on peut associer au terrain la situation présente, à savoir lors des soins d’hygiène, en traumatologie légère ou complexe, à l’occasion de transports ou de transferts, ou encore en obstétrique. 

Le traumatisme est déclenché par un événement inattendu qui surgit alors que le patient n’est pas préparé à le subir et qu’il est, de plus, submergé par la soudaineté de son avènement. L’anxiété, l’angoisse, la peur, le stress sont autant de facteurs favorisant l’ampleur du traumatisme, sans sous-estimer les états de fragilité préexistants. La douleur est le plus souvent le maître symptôme du traumatisme, qui est vécu comme « un emprisonnement, une impossibilité de sortir de soi : un enfermement. Le traumatisme produit une focalisation sur l’événement, une sidération, un effroi ».

Dans les situations de secours à personne, les techniques hypnotiques de base utilisées à bon escient permettent de mettre à profit le temps d’immobilisation incontournable, comme le temps de désincarcération, pour stabiliser le mental du blessé pendant sa mise en condition.  La victime, déjà dissociée par le traumatisme, a besoin d’un refuge émotionnel. Alors la pratique de l’induction hypnotique furtive grâce à des techniques verbales simples (langage hypnotique) permet de focaliser, de garder et de recentrer la relation. « L’hypnose constitue un outil puissant, facilement intégrable à l’arsenal d’urgence des praticiens ».
 
L’induction furtive ou hypnose ultra-rapide
Il est des moments ou il y a urgence à contrôler l’anxiété et la douleur. Le stress, provoqué par le contact avec des situations inconnues, dans un milieu ressenti comme hostile, parfois exacerbé par des souvenirs anciens, y contribue largement. L’induction dite « furtive ou ultra-rapide » est alors une solution simple qui peut être mise en place par un thérapeute formé.
Selon Gérard V. Sunnen, « l’hypnose ultra-rapide se réfère à un ensemble de techniques spécialisées destinées à induire des états hypnotiques dans des délais brefs, parfois mesurés en secondes. Ces techniques sont particulièrement utiles dans les situations marquées par la pression du temps et par l’animation disruptive de leur milieu – notamment les salles d’urgence – et lorsque le patient se retrouve envahi par un stress aigu tributaire de la peur et de la douleur ».

Il s’agit d’une rencontre involontaire mais salutaire entre l’hypnothérapeute et le sujet. Plus globalement, il doit se mettre au niveau de ce dernier et se consacrer totalement à lui. Le premier contact est fondamental pour induire une relation de confiance. Observer le patient ou le blessé est fondamental lors de l’induction, afin de mieux se caler sur lui, sur son comportement devant l’épreuve. Il faut pour cela, après s’être présenté si besoin, le regarder dans les yeux lorsque c’est possible, utiliser un vocabulaire simple et concret, adapter la tonalité et le rythme de sa voix en utilisant un ton plus bas, se caler sur son rythme respiratoire et calmer son état d’impatience, en respectant des moments de silence. On peut parler alors du « Pacing respiratoire », à savoir la synchronisation du thérapeute avec le rythme respiratoire du patient afin de mieux le ralentir lorsqu’il est trop haletant, puis le calage du discours sur son expiration. Mais cela peut être a contrario dans l’urgence une méthode d’induction de type autoritaire, pratiquée à l’aveugle, par laquelle il faut savoir s’imposer au sujet. Alors, l’induction faite, les suggestions pourront être débutées, sous forme de métaphores, afin d’installer la bulle hypnotique.

Dans certains cas, la communication tactile peut constituer une aide précieuse. Prendre la main, toucher les épaules, soutenir le front, de façon délicate et non appuyée, peut contribuer à rassurer et à faciliter l’induction. Alors s’installera rapidement « le calme, la détente, le confort et la paix intérieure… la tranquillité existentielle jointe à l’optimisme, et aussi une distanciation subjective relative à un environnement souvent perçu comme chaotique et hostile » (3).
 
Les situations
En traumatologie, accidents de la voie publique, désincarcération. Cette prise en charge peut débuter dès l’arrivée des secours. Il faut pouvoir accéder au blessé, constater qu’un contact verbal est possible avec lui. Veiller d’emblée à sa sécurité sur les lieux de l’accident, mais aussi à celle du thérapeute, particulièrement sur la voie publique. La réaction de froid ressentie impose avant tout le réchauffement par une couverture métalline ou textile. Les premiers gestes de secourisme priment.
Alors, les techniques d’induction furtive utilisées à bon escient permettent de profiter du temps d’immobilisation incontournable pour mieux stabiliser l’état mental du patient. Selon Cécile Colas-Nguyen, « le rôle de l’écureuil, sapeur pompier qui, lors d’un accident routier maintient la tête de la victime (et ne fait que ça) pendant que le reste de l’équipe s’affaire autour, se met dans les conditions idéales pour assurer son confort et sa sécurité » (5). Comme on l’a déjà évoqué, les techniques hypnotiques peuvent s’installer dans le temps incontournable de désincarcération, pour stabiliser et contenir les réactions et le mental du blessé pendant sa mise en condition.  
 
En obstétrique. On peut distinguer deux phases dans l’accouchement : une phase de travail, pendant laquelle il faut « laisser faire », et une phase active, la naissance, pendant laquelle il faut « s’ouvrir ». Il se produit pendant ces heures de travail et pendant la naissance des importants bouleversements physiques et psychiques.
Pendant la grossesse, l’hypnose peut contribuer à réduire progressivement l’anxiété vis-à-vis de l’accouchement et ainsi créer un climat de confiance pouvant faciliter le travail et l’accouchement. L’hypnose est également utilisée pour stimuler le retournement des bébés se présentant par le siège.
Le contrôle de la douleur fait partie de la prise en charge du travail obstétrical. Le recours presque systématique aux échelles d’évaluation a permis de mieux quantifier la douleur liée à l’accouchement. Selon certains auteurs, elle peut correspondre à la douleur ressentie lors d’une fracture, chez plus de 70 % des parturientes, avec des variations dans la façon de l’exprimer selon les origines ethniques ou en fonction de facteurs culturels.


En automne. L'Edito de Sophie Cohen
C’est l’automne et nous nous retrouvons avec les joies de cette saison. Déguster des champignons, s’installer à côté d’un feu de cheminée, être avec un(e) ami(e), apprécier les journées de l’été indien, flâner dans les bois, regarder un film, aller voir une exposition, écouter ici et là un conférencier… lire la Revue, celle-ci, une autre, tout est possible ! 

Comment devient-on thérapeute ? Dr Dominique Megglé
Un jour, un professionnel demande à Erickson : « D’accord, ce que vous faites, ça marche, mais tous ces trucs invraisemblables que vous demandez à vos patients de faire, est-ce que c’est encore de la psychothérapie, est-ce que c’est une authentique activité de soins ? » Erickson lui répond : « Oui, mais personne n’est absolument obligé de le savoir, ni le patient ni le thérapeute. » 

Le corps : guide et mémoire. Mady Faucoup Gatineau
Avec l’HTSMA, j’ai trouvé une manière vivante de travailler qui intègre chacun des courants de la Thérapie brève. Ce qui m’a amenée à m’inscrire dans cette pratique, c’est la construction d’un « être ensemble » dans la perspective d’une approche interactionnelle du vivant. A partir de cette base, le thérapeute va mettre en scène ce qui apparaît dans la thérapie, par la triangulation : en externalisant grâce à l’imaginaire partagé (souvenirs, sensations, images sensorielles) la problématique de la relation (à soi, au monde, à l’autre). 

[L’hypnose en prison. Dr Pascal Vesproumis]url:
https://www.hypnose-ericksonienne.org/L-hypnose-en-prison-Dr-Pascal-Vesproumis_a921.html
La reconquête de la liberté du corps et de la pensée face aux toxiques. A propos d’hypnose et de réduction des risques... Il n’y a ni lieu ni moments privilégiés pour arrêter de fumer du tabac, du cannabis, pour arrêter de consommer de la cocaïne, de l’héroïne, pour arrêter de boire de l’alcool, pour s’éloigner des amphétamines, du LSD, des champignons hallucinogènes, pour cesser le mésusage médicamenteux. 

Note Deuxième Selon François Roustang. Sylvie Le Pelletier-Beaufond
Ainsi fait suite à notre Première Note évoquant l’Harmonie comme socle de la pensée de François Roustang, la notion essentielle de Correspondances. L’être humain n’existe pas, insiste notre auteur, sans son contexte. Plongé dans un tissu constitué d’une multitude de relations entre tous les éléments qui composent son existence, chaque être fait exister ces éléments qui l’entourent tout comme ces derniers le font exister. 

Sortir du tunnel de la douleur. Dr Francine Zonens
Lorsque Sophie Cohen m’a proposé de diriger ce dossier thématique, j’ai tout de suite été très intéressée. Montrer la diversité des situations où l’hypnose intervient de façon directe ou indirecte au travers de séances et de la communication thérapeutique est un enjeu majeur pour une professionnelle que je suis qui utilise cette approche depuis plus de dix ans. 

Douleur, littérature et ressources hypnotiques. Anita Violon
« La douleur est infinie, la joie a des limites », Balzac. On dit que les grandes douleurs sont muettes. Rien de plus faux. A l’instar d’autres artistes, les écrivains s’avèrent de fins observateurs et des virtuoses de la transformation. Traité avec une incroyable diversité, le thème de la douleur n’est jamais éculé. En effet, il y a mille façons d’éprouver le lecteur, de le faire frémir d’empathie, de l’entraîner dans un sidérant dépassement de soi, un courage inouï, un détachement surprenant, un remodelage du ressenti. 

Regards croisés sur les douleurs de la chute. Patrick Martin et Aurore Burlaud
Les « TAC » comme aide technique à la marche. La chute de la personne âgée représente une thématique majeure de santé publique. C’est la première cause de mortalité accidentelle. Tous les ans, environ 450 000 personnes âgées de plus de 65 ans font une chute (INVS) de gravité immédiate variable : hospitalisation, décompensation des pathologies chroniques, fractures, douleurs, dépression, perte d’autonomie, entrée en institution et décès. 

L’hypnose dans les situations d’urgence. Dr Jacques Wrobel
Les techniques hypnotiques peuvent apporter une aide précieuse en situation d’urgence, que ce soit lors d’une immobilisation, à l’occasion d’une désincarcération ou d’une mise en condition, mais aussi dans certaines situations obstétricales ou lors de soins dentaires. L’induction furtive de l’hypnose peut s’avérer d’une grande utilité chez ces patients douloureux aigus, dont l’anxiété légitime peut intensifier notablement les souffrances.

Algodystrophie et respiration. Jeanne-Marie Jourdren
L’ancrage des pieds. Pour passer le pas, le pied doit ressentir le sol. Le sol répond par une force réactionnelle. Ainsi, le pied peut propulser le corps vers l’avant. Dans de nombreuses techniques énergétiques, on parle de l’importance d’un ancrage corporel pour permettre à l’énergie présente dans le corps de circuler aisément et ainsi laisser le corps en bonne santé.

Hypnose et douleurs neuropathiques. Dr Jean-Pierre Alibeu
La douleur chronique est toujours multifactorielle, associant une atteinte réelle ou virtuelle des voies de la nociception à des éléments de fragilité qui font le lit de la chronicisation : traumatismes anciens ou récents, pathologies associées, concomitantes. L’importance de l’anamnèse est au premier plan, elle permet de mettre du sens et ainsi de choisir la stratégie thérapeutique où l’hypnose va trouver sa place et son efficacité dans un projet partagé avec le patient. 

"Je dois tout contrôler". Dr Stefano Colombo, Revue Hypnose et Thérapies brèves 47
« Bonjour Docteur, je vous appelle pour un rendez-vous ? » « Bonjour Docteur » fait vieux jeu. Je suis jeune, « in », pas coincé. Je pourrais dire : « Salut Doc ! », non, non, cela fait trop copain-copain. « Excusez-moi, Docteur, de vous déranger » Horrible ! C’est du langage du siècle passé. Et en plus, pourquoi m’excuser ? 

La voix du thérapeute. Dr Dina Roberts
« Ma voix t’accompagnera », expliquait Erickson à ses patients. Mais quelle voix peut au mieux accompagner un patient en hypnose ? Comment faire en sorte qu’elle soit le plus adaptée à ce contexte ? Tant de patients expriment en fin de séance que c’est la voix du thérapeute qui a été la plus importante. Et pourtant, sauriez-vous décrire précisément en quoi elle diffère de la voix habituelle ? Nous sentons bien qu’il y a un changement mais celui-ci est le plus souvent très intuitif.

Les Grands Entretiens: Teresa Robles. Par Gérard Fitoussi
Chère Teresa, merci d’accepter de répondre à ces questions pour notre revue « Hypnose et Thérapies brèves ». J’avais envie de le mener depuis longtemps étant donné la place que tu occupes depuis les débuts dans le monde de l’hypnose notamment au Mexique et au niveau international. Peux-tu nous parler un peu de toi, ta famille et ton parcours professionnel ? 

Livres en bouche. Christine Guilloux
La force de la vulnérabilité : Utiliser la résilience pour surmonter l’adversité, Consuelo C. Casula, Satas, collection Le Germe. Pile ou face. Une chose et son contraire. Une chose ou l’autre. Une vulnérabilité ou une force. Une crise et une opportunité. Vent debout. Les ouragans ne se nomment pas tous Irma, José, Maria

Livres en bouche. Jeanne-Marie Jourdren
Neuroscience et chamanisme : Les voies de l’illumination, David Perlmutter et Alberto Villoldo. A première vue, ce titre peut prêter à l’étonnement. Dans un deuxième temps, il annonce un livre innovant. En exposant le point commun unissant ces deux disciplines, l’état d’illumination, les auteurs, David Perlmutter, neurologue, et Alberto Villoldo, médecin-anthropologue et chaman, nous révèlent la façon dont chacun peut accéder à cet état particulier, longtemps décrit comme accessible uniquement aux moines, méditants ou chamans de pays lointains. 

Notes de lecture. Sophie Cohen
Manuel d’hypnothérapie digestive, Philippe de Saussure. Ce petit ouvrage est un véritable outil pratique lorsque vous accompagnez des patients qui souffrent de troubles fonctionnels digestifs. Spécialiste en gastro-entérologie, en hypnose, Philippe de Saussure partage au cours de ces 100 pages tout ses savoirs et savoir-faire. Il vous propose quelques scripts d’hypnose qu’il utilise lui-même. C’est un ouvrage précieux et complet. 

Mise à l’épreuve de la théorie du jeu de rôle. Dr Adrian Chaboche
Chers lecteurs, pour ce numéro nous avons invité un chercheur en neurosciences passionné d’hypnose et de musique. Avant de le laisser nous inviter dans un fabuleux voyage dans le cerveau (attention, accrochez-vous !), Cédric peux-tu te présenter ? 

Président de l'Institut In-Dolore. Président du CHTIP Collège Hypnose Thérapies Intégratives… En savoir plus sur cet auteur


Rédigé le 22/03/2018 à 16:25 | Lu 1293 fois modifié le 23/03/2018



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