Les gestes autocentrés. Phénomène non conscient de ré-association.



Croiser les mains et mouliner des pouces, pianoter avec ses doigts sur ses cuisses, se gratter la tête... Autant de petits gestes autocentrés à observer de près chez les patients...


Repérer les gestes autocentrés permet tout de suite d’avoir accès à un phénomène non conscient qui a pour but de trouver une solution au problème, ou de rassurer, d’amener une certaine sécurité intérieure. C’est un geste de ré-association : il associe le corps à l’esprit. Le cerveau a une pensée angoissante, par exemple, le corps fait immédiatement un geste (comme par exemple se gratter la tête), il se met en action. Et ceci de façon immédiate comme un automatisme, c’est un automatisme, un geste non volontaire, non conscient. C’est un phénomène idéomoteur. Encore faut-il les repérer ! Et cela nécessite d’OBSERVER.

Observer encore et encore. Parce qu’en vérité, on les voit, et très vite on les néglige, on les oublie. Ils sont pour nous, thérapeutes, à un niveau non conscient également. Je vais vous raconter l’histoire d’un de mes patients que je vois en médecine générale habituellement et qui me raconte sa souffrance psychologique à l’idée de subir de nouveau une biopsie de prostate. Il me décrit son calvaire comme une torture suite à une biopsie de prostate qu’il a eue le mois dernier et qu’il doit refaire tous les six mois en surveillance d’un carcinome in situ. Je lui propose de venir faire une séance d’hypnose avec moi sans trop savoir ce que j’allais lui proposer.

Lorsqu’il vient, je lui demande de s’installer sur ma table d’examen comme si j’allais lui faire une biopsie de prostate. Et juste le mot comme ceci provoque immédiatement un geste autocentré. Ses mains se posent sur son ventre, croisées, et ses pouces moulinent l’un avec l’autre. Intérieurement, je me dis « c’est bon ! ». Maintenant, je sais quoi lui suggérer...

- Thérapeute : « Très bien ce que font les mains ! (importance de le signifier en langage dissociatif).
- Patient (petit geste de recul de la tête signifiant sa surprise) : Ah, oui ! Je n’avais pas vu. Je fais ça quand je suis stressé.
- Th. : Très bien... Laissez les mains faire ce qu’elles sont en train de faire... et c’est très bien... une partie de vous continue ça, là... pendant qu’une autre partie de votre esprit peut aller ailleurs... dans un endroit que vous aimez bien... comme en Corse... ou ailleurs... où vous êtes en sécurité..., et une autre partie de vous... peut centrer l’attention sur la respiration... Voilà, très bien... juste comme ça... comment l’air circule de haut en bas... (triple dissociation). » Je continue avec du bla-bla. Et, bien sûr, je finis par une suggestion posthypnotique du genre : « Votre esprit non conscient saura se resservir de ce qu’il a trouvé utile et bénéfique pour vous de cette séance d’hypnose pour pouvoir vous en resservir de façon totalement automatique à chaque fois que vous en aurez besoin. » Le patient a été très surpris et moi aussi du fait qu’il n’a rien senti de la biopsie, rien ! Il raconte qu’il s’est mis en autohypnose dès l’arrivée en salle d’attente et qu’il a « apparié » son geste des mains et sa respiration. C’était il y a deux ans, et comme je le revois régulièrement, je sais qu’il s’en ressert à chaque biopsie.

Cette technique simple est fort utile également quand les patients refusent de vous parler. J’ai en mémoire une jeune fille de 16 ans, venue à la demande de sa mère car elle refuse d’aller à l’école, ne veut plus parler à personne et veut rester à la maison avec sa mère. La première consultation avec sa mère permet un recueil d’informations, avec notamment ses ressources qui sont principalement l’équitation. Mon interprétation est qu’il y a un deuil pathologique dans la famille (le frère de la mère mort il y a vingt ans qui reste très présent dans la vie de tous les jours... la mère a même donné en deuxième prénom à ses trois enfants le prénom du frère, même à sa fille). Mais ça n’est que mon interprétation, ça n’est qu’une hypothèse. La jeune fille acceptant de venir me voir mais sans me parler, je n’avais pas beaucoup de point d’accroche... sauf que dès le début de la deuxième consultation, elle s’est aussitôt mise à pianoter avec ses doigts sur ses cuisses.

- Th. : « Très bien ce que font les doigts ! Souvent ce sont des petits signes qu’on fait quand on est stressé, n’est-ce pas ?
- P. : ... (sourire et acquiescement de la tête).
- Th. : Très bien, laisse les doigts continuer de faire ce qu’ils sont en train de faire... et c’est très bien (la ratification est essentielle, comme toujours)... pendant qu’une partie de toi est centrée sur la respiration... voilà, très bien... juste comme ça... et puis j’invite la partie de toi qui imagine, celle qui se souvient, se remémorer un moment où tu montes à cheval... »

J’enchaîne sur ….
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Dr CORINNE PAILLETTE

Médecin généraliste au Havre, pratique l’hypnose depuis quinze ans. D’abord formée à l’Institut Milton H. Erickson Normandie (IMHEN) en 2004, puis à l’Institut Emergences en 2016, elle intègre l’équipe de formateurs de l’IMHEN depuis 2018.

Revue Hypnose & Thérapies Brèves n°62

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Illustrations : © Roberta Lo Menzo
 


N°62 : août, septembre, octobre 2021
- Edito : Transe relationnelle. Julien Betbèze, rédacteur en chef

- La lévitation : un catalyseur de changement. Daniel Quin. Lâcher prise consiste à sortir de son cadre habituel de références et, par la transe, plonger dans un univers sans savoir où il nous mène. Avec les exemples de Marie, 12 ans, en échec scolaire, Lise, 35 ans, qui souffre de compulsion alimentaire, de Nadine, 22 ans qui veut perdre du poids, d’Anne, 35 ans, qui boit de la bière de façon excessive.

- Conversation de désengagement : le changement par l’aversion. Alain Vallée. Exercices pratiques pour amener au désir de changement. Ce genre de conversation centrée sur la liberté ou la contrainte, les valeurs ou le jugement d’autrui et les sensations corporelles est d’une grande puissance et prend peu de temps. Avec les exemples du tabagisme, de la colère…

- De la métaphore à la chanson de geste. Histoire de réceptivité. Bruno Dubos. Dans le travail métaphorique tout est question de réceptivité. Le thérapeute utilise une métaphore pour « aller vers le sujet », celui-ci va-t-il la « recevoir » ? Avec l’exemple de Sylvie et sa suite traumatique d’un long parcours émaillé d’interventions chirurgicales conséquence d’une erreur médicale.

- Les outils de la thérapie narrative : trouver du sens à l’insensé. Françoise Villermaux. Quoi de plus anxiogène, pour le psychologue ou le pédopsychiatre, qu’un adolescent qui exprime des idées suicidaires ? Illustration avec Célia, 14 ans et Elio, 15 ans.
Dossier : Douleur, douceur

- Edito : Gérard Ostermann

- La peur des soignants face à la mort. Myriam Mercier. Confrontés à la mort de patients dans leur travail, les soignants sont-ils autorisés à laisser parler leurs peurs ? Ou doivent-ils laisser leurs émotions à la maison ?

- Burn-out et doubles liens professionnels. Jérémy Cuna. Les exemples de M. H, directeur et délégué du personnel et de M. L, directeur adjoint et mari d’une salariée.

- Les gestes autocentrés : phénomène non conscient de ré-association. Corinne Paillette. Croiser les mains et mouliner des pouces, pianoter avec ses doigts sur ses cuisses, se gratter la tête… autant de petits gestes à observer chez les patients.


Dossier : Thérapie familiale
- Edito : Julien Betbèze. Mony Elkaïm : un thérapeute familial hors du commun

- Résonance et hypnose. En hommage à Mony Elkaïm et François Roustang. Sylvie Le Pelletier Beaufond. En vignette clinique, Mme C, 40 ans, en dépression depuis des années.

- Affronter l’ado tout-puissant : TOS (Thérapies Orientées Solution) et approches stratégiques. L’incroyable prise de pouvoir d’un adolescent de 15 ans sur sa famille. Sophie Tournouër

- Thérapie familiale et hypnose. Dimitri Tessier. Rétablir les liens entre les personnes dans des contextes de blocages relationnels. Les exemples de la famille L, une femme élève seules ses enfants, et du couple C en désaccord sur l’éducation de leur fille.

Rubriques
- Quiproquo. Stéfano Colombo. « Famille ». Dessin de Mohand Chérif Si Ahmed alias Muhuc
- Les champs du possible. Adrian Chaboche. Heureusement le temps passé passe par le présent.
- Culture monde. Sylvie Le Pelletier Beaufond. Les forces de l’invisible. Thérapies au Bénin.
- Les Grands entretiens. Gérard Fitoussi. Jacques-Antoine Malarewicz

- Livres en bouche: Julien Betbèze, Sophie Cohen.

Président de l'Institut In-Dolore. Président du CHTIP Collège Hypnose Thérapies Intégratives… En savoir plus sur cet auteur


Rédigé le 10/10/2021 à 00:50 | Lu 1745 fois modifié le 10/10/2021



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